Jusqu’à présent, en vertu de la loi et sauf dispositions conventionnelles contraires, il n’était
pas possible d’acquérir des jours de congés payés durant un arrêt de travail pour maladie
ou accident non professionnel ; ces périodes d’absences n’étant pas assimilées à un temps
de travail effectif.
Il existait toutefois une particularité pour les salariés en arrêt à la suite d’un accident du
travail ou d’une maladie professionnelle : ces derniers pouvaient acquérir des congés payés
dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an.
Ces dispositions du Code du travail ont été jugées contraires au droit de l’Union
européenne par la Cour de cassation, par 2 décisions retentissantes en date du 13
septembre 2023.
En s’appuyant sur l’article 31 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne, la Cour de cassation a décidé d’écarter partiellement l’application de l’article
L. 3141-3 du code du travail en ce qu’il subordonne à l’exécution d’un travail effectif
l’acquisition de droits à congés payés par un salarié en arrêt de travail pour cause de
maladie non professionnelle.
Le Ministre du travail, Olivier Dussopt, s’est exprimé le 26 septembre dernier en indiquant
que la question était « en cours d’instruction » par ses services. « Il y a des travaux à mener,
notamment pour voir quelles seraient les conséquences, y compris financières, de
l’application pure et simple de ce qui est écrit dans l’arrêt et ce que ça représenterait en
termes de coût du travail ».
A ce jour, nous n’avons pas encore connaissance d’éventuelles prises de position du
gouvernement sur ce sujet.
Quels sont les changements intervenus à la suite des arrêts du 13 septembre 2023 ?
Désormais :
– Un salarié en arrêt de travail pour maladie ou accident non professionnel est
dorénavant en droit d’acquérir des congés payés pendant la suspension de son
contrat, comme s’il travaillait pendant cette période ;
– Un salarié en arrêt de travail, à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie
professionnelle, est en droit d’acquérir des congés payés pendant l’intégralité de
son arrêt de travail. Le calcul des droits à congés payés n’est désormais plus limité
à la première année de l’arrêt de travail.
Autrement dit, en matière d’acquisition des congés payés, il n’y a désormais plus de
distinction entre les travailleurs absents pour cause de maladie ou d’accident, professionnel
ou non, et ceux qui ont travaillé.
Quels sont les congés concernés ?
Le salarié pourrait prétendre à l’intégralité des droits à congés payés, sans faire de
distinction entre les 4 semaines du congé principal, la 5e semaine légale de congés payés
et les congés payés d’origine conventionnelle.
Ainsi, les salariés en arrêt maladie ou accident de quelque nature que ce soit
(professionnelle ou non professionnelle), pourraient acquérir des droits à congé d’une
durée identique à celle des salariés présents dans l’entreprise et exécutant un travail
effectif, sans disparité de traitement.
À partir de quand s’appliquent ces changements ?
S’agissant d’un revirement de jurisprudence, l’effet de cette nouvelle position est immédiat.
En conséquence, les arrêts maladie ou accidents de quelque nature que ce soit, en cours
et à venir, donneront lieu à l’acquisition de congés payés dès le 1er septembre 2023.
Ces dispositions seront intégrées aux compteurs de congés payés des salariés concernés
sur leur prochain bulletin de paie (octobre 2023).
Quelle prescription pour les arrêts antérieurs au 1er septembre 2023 ?
Lorsqu’il s’agit d’une demande d’un salarié dont le contrat est rompu ou venu à son terme,
le paiement des indemnités de congés payés est soumis aux règles applicables au
paiement des salaires (C. trav.art. D 3141-7).
L’action en paiement est donc soumise à la prescription de 3 ans de l’article L 3245-1 du
Code du travail, à compter l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours
de laquelle les congés auraient pu être pris, dès lors que l’employeur justifie avoir accompli
les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer
effectivement son droit à congé.
Néanmoins, pour les salariés toujours présents dans l’effectif de l’entreprise, la demande la
régularisation des congés payés perdus au titre de précédents arrêts laisse subsister un
doute sur la nature du droit et de la prescription applicable.
La question du point de départ de ce délai de prescription reste, pour le moment, ouverte.
En conclusion, si l’application de la nouvelle règle pour l’avenir semble acquise dans son
principe (le droit français faisait jusque-là de la résistance sur la question), l’incertitude
demeure pour l’acquisition et donc la régularisation des congés sur les périodes antérieures
(nature et donc délai de la prescription applicable, point de départ de la prescription,
quantum des congés à régulariser…).
Les situations devront se discuter et s’étudier au cas par cas.
Dans l’attente des précisions attendues, notre Cabinet se tient à votre disposition pour vous
accompagner dans l’application de ces nouvelles mesures, leurs conséquences, et les
éventuelles demandes de régularisation faites par vos salariés.
À noter : bien que des précisions de la part du gouvernement soient particulièrement
attendues, leur portée sera toute relative dans la mesure où seules une loi ou des
précisions jurisprudentielles pourraient venir encadrer les effets des arrêts du 13
septembre 2023.
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